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Quand la programmation s’enrhume, la vérification tousse

Jamais à court d’idées pour faire avec moins (à défaut de faire plus), la DGFIP tient à sa martingale : le tout numérique. Le public connaît bien la dématérialisation des services aux usagers (et ses flots de contribuables désorientés refoulés à l’entrée des bâtiments, faute de rendez-vous en présentiel) ou la détection des piscines non déclarées par l’intelligence artificielle (coûteuse autant qu’inefficace). Il connaît moins les méfaits d’une autre lubie qui touche le contrôle fiscal depuis plusieurs années déjà : le « data-mining ».

Dans son principe, l’exploration ou « minage de données » vise à automatiser l’exploitation des immenses bases de données économiques et fiscales dont l’administration dispose, afin de mieux débusquer la fraude. Rapprocher les déclarations incohérentes, détecter les revenus non déclarés, signaler les anomalies en tout genre : ces éléments suspects que les cerveaux humains ne peuvent repérer qu’à force de travail, l’ordinateur les trouverait d’emblée. Ce qui permettrait de prioriser les dossiers à fort enjeu. Et de réaliser de substantielles économies de postes dans les équipes chargées de « programmer » les contrôles fiscaux.

L’idée n’est pas nouvelle. Depuis près d’une décennie, la mission Requêtes et Valorisation (MRV) de Bercy, et à sa suite le bureau SJCF-1D, abreuvent les services de fiches labellisées « DM » (pour data-mining). La tâche du programmateur, en DIRCOFI comme en service local, est simple : constater les anomalies mises en avant par les algorithmes de la centrale, enrichir la fiche au besoin, et transmettre le tout aux vérificateurs. Un jeu d’enfant, non ?

Or, en pratique, c’est une autre affaire. Extraction erronée des données des liasses, informations périmées, sociétés cessées ou liquidées depuis parfois des années, extrapolations extravagantes sur les liasses simplifiées des petites entreprises, situations courantes ressortant comme des anomalies, à l’instar du chiffre d’affaires non taxable des sous-traitants du BTP… Les tares des « fiches DM » sont légion. Quand les « requêtages », les critères de recherche établis par la centrale, ne sont pas bonnement hors sol. Nombre d’entre eux recourent aux comparaisons des chiffres déclarés par les entreprises avec les moyennes (les ratios). Or, ces ratios ne sont pas en eux-mêmes un critère suffisant pour lancer un contrôle fiscal : lorsque les fiches sont basées sur ces seules anomalies, elles sont systématiquement rejetées… par nos propres services de direction, pourtant chargés de promouvoir les algorithmes. Quid des défaillants...

En bref, la qualité n’est pas au rendez-vous. Face au constat d’échec, ne faudrait-il pas écouter les collègues qui alertent depuis des années sur ces carences ? La centrale n’est pas de cet avis. Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2023-2027 de la DGFIP prévoit d’accélérer. Et, localement, les conséquences s’en font sentir.

Ainsi, au sein de la DDFIP 93, l’objectif assigné aux pôles de contrôle et d’expertise (PCE), chargés de la « programmation » des professionnels, est de donner priorité aux fiches DM. Conformément aux directives nationales, les services ont pour cible 50 % de contrôles fiscaux issus des « listes DM ». Et, pour être certains d’atteindre cet objectif, la solution est radicale : rejeter les autres fiches. La chose n’est pas dite clairement. Mais de fait, pour programmer une société de sa propre initiative, l’agent doit démontrer que les droits rappelés à envisager sont supérieurs à 25 000 €, voire plus. En bref, il faut prioriser, en fonction des enjeux… sauf pour les « DM », qui passent le filtre quoique parfois médiocres à souhait.

Un clou dans le cercueil des PCE, qui ne cessent de perdre des postes et dont le nombre passera localement de 6 à 3 en 2024. Le contrôle fiscal n’est plus leur priorité. Les agents sont trop affairés à répondre aux demandes de remboursement de crédit de TVA d’entreprises suspectes, nombreuses chez les sous-traitants du BTP, le cœur de notre tissu économique. Une tâche essentielle, pourtant négligée dans leurs statistiques et leurs objectifs officiels.

Et encore le 93 peut-il s’estimer heureux. Les Hauts-de-Seine, en précurseurs zélés, ont ainsi institué le pôle de programmation exclusivement consacré aux « DM ». Finie l’initiative. Et la qualité des fiches, comme le montant des rappels, s’en ressentent.

La situation des programmateurs a des conséquences directes sur les vérificateurs. Les brigades qui réalisent les contrôles des professionnels sont désormais à court d’entreprises à vérifier. Les « fiches » manquent. Les bonnes fiches encore plus. Au point que certains services en soient réduits à contrôler des entreprises fantômes ou cessées, sans perspective de recouvrement, pour ne pas tourner à vide.

Pourtant, le data-mining est un outil qui n’est pas pervers en soi. Mis au service des agents, enrichi par leur expérience et leur intelligence, il peut libérer des tâches fastidieuses et donner de bons résultats. Par exemple à travers les habilitations au requêtage libre, qui permettent de faire ses propres sélections, et que la DG ne cesse de restreindre. Mais, c’est fatal, dans l’administration néolibérale obnubilée par les coûts, toute nouveauté ne peut avoir qu’un seul but : supprimer des postes.

Une note d’espoir dans cette symphonie du désastre, Bercy échoue encore à remplir cet objectif. Tant que la machine ne se suffit pas à elle-même, l’humain demeure indispensable à la lutte contre la fraude. Coïncidence, le gouvernement prétend multiplier les recrutements à cette fin. Alors, prenons-le au mot : nous sommes donc impatients de recevoir nos nouveaux collègues. Si les ministres l’ont promis, alors c’est pour bientôt, pas vrai ?

Article publié le 21 août 2023.


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