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Casse sur ordonnances

L’Assemblée vient d’adopter le projet de loi d’habilitation permettant à l’exécutif de légiférer par ordonnances. La mobilisation contre un texte détruisant les bases du Code du travail est appelée à grandir. Avec un rendez-vous national le 12 septembre à l’appel de la CGT.

Quatre jours auront donc suffi à une Assemblée nationale majoritairement acquise à Emmanuel Macron pour autoriser l’exécutif, jeudi 13 juillet au soir, à légiférer par ordonnances sur la réforme controversée du Code du travail. On avait vu les députés La République en Marche quasiment silencieux lors du débat sur le texte en commission. Ils sont intervenus un peu plus en plénière. Uniquement pour défendre la loi d’habilitation. Il est vrai que leurs candidatures à la députation avaient été retenues sur CV et lettres de motivation. Ou quand l’allégeance à Jupiter fait office de débat démocratique…


Faire vite

Tandis que la gauche (PCF et Insoumis) avait déposé plusieurs centaines d’amendements, le projet d’habilitation a été approuvé par 270 voix contre 50, soutenu par la majorité et la droite (Les Républicains, « Constructifs » et UDI) tandis que la gauche (PCF, Insoumis et Nouvelle gauche) a voté contre. Le Medef peut donc pavoiser, lui qui demandait au gouvernement de se hâter pour adopter une loi de déconstruction du Code du travail, intégrant à la loi El Khomri des mesures auxquelles le précédent exécutif avait dû renoncer face à la mobilisation des salariés et de leurs organisations syndicales (CGT, FO, Sud-Solidaires, FSU) ainsi que des syndicats de lycéens et d’étudiants. Emmanuel Macron a lui aussi tout intérêt à faire vite, profitant de la période estivale et redoutant les retombées de l’affaire « Las Vegas » sur Muriel Pénicaud.

Le Code du travail remisé

« Et de droite et de gauche » : le duo Macron-Philippe prétendait rassembler. Le masque, pour ceux qui y auraient cru, n’a pas tardé à tomber. Le premier texte du quinquennat se veut d’abord un texte à la mesure des exigences patronales, alors même que le gouvernement poursuit officiellement la « concertation » avec les organisations patronales et syndicales.

Le gouvernement sera donc autorisé à légiférer par ordonnances sur une série de dispositions. Première d’entre elles : l’extension du périmètre d’inversion de la hiérarchie des normes, c’est-à-dire de la suprématie de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche et de celle-ci sur la loi commune. Finie, la protection de la loi et du code du travail, et pas seulement en ce qui concerne le temps de travail. Pour les salaires aussi, notamment, l’accord d’entreprise pourra primer. Comme si patrons et salariés étaient à égalité, que les seconds n’étaient pas en situation de subordination, que les premiers n’avaient pas d’ores et déjà montré leur capacité à jouer du chantage à l’emploi pour imposer des accords en leur seule faveur…

Les syndicats exclus du jeu

Quant aux syndicats, défenseurs des droits des salariés, autant les écarter du jeu. Pour cela, le gouvernement veut favoriser le référendum d’entreprise et même permettre aux directions d’entreprise de le déclencher.

Dans la même veine, l’Assemblée a permis au gouvernement de légiférer sur le regroupement des instances représentatives du personnel, vieille demande patronale, réduisant ainsi à la fois la spécificité de leurs missions et le temps et les moyens des représentants des salariés. En outre, l’article 2 prévoit la possibilité pour le salarié « d’apporter au syndicat de son choix des ressources » financées par l’employeur. Ou comment faire refleurir les syndicats maison contre toute vraie mobilisation pour les droits des salariés.

Les prud’hommes remis en cause

Autres mesures sur lesquelles l’exécutif pourra légiférer par ordonnances : les modifications des droits des salariés en cas de licenciement ; et, en plus, le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif. En clair, si vous êtes abusivement licencié, le patron délinquant pourra provisionner la somme correspondant à son délit, sans autre crainte de sanction, et tant pis pour vous.

Vers la fin du CDI ?

Le texte prévoit aussi l’extension du contrat de chantier au-delà du secteur du BTP. Une formule permettant de contourner le CDI et donc de précariser davantage les salariés, dans laquelle l’ancien ministre (PS) Jean Auroux voit le risque d’un « retour des tâcherons ».


La pénibilité moins reconnue

De même quant aux règles de prise en compte de la pénibilité au travail. Le premier ministre Édouard Philippe en avait annoncé la teneur le week-end précédent aux acteurs sociaux : les salariés soumis à quatre des dix critères de pénibilité précédemment retenus ne pourront plus bénéficier de ce qu’entraîne cette reconnaissance sauf si « une maladie professionnelle a été reconnue » et que « le taux d’incapacité permanente excède 10 % ». Or ces quatre critères relèvent de la manutention de charges lourdes, des postures pénibles, des vibrations mécaniques et des risques chimiques. Le patronat, en particulier des grands groupes de la chimie et du BTP, ne cache pas sa joie.


Mobilisations prévues


Le texte va maintenant être transmis au Sénat. Une ratification sera soumise à l’automne au Parlement. À côté de la bataille parlementaire qui s’annonce, le mouvement syndical a donc une grande responsabilité pour empêcher la vaste régression sociale annoncée. La majorité des citoyens n’en veut pas. Mais l’exécutif dispose d’une large majorité à l’Assemblée. Beaucoup va donc dépendre des capacités de mobilisation des salariés, des jeunes…

Si FO, très mobilisée contre la loi El Khomri, attend de connaître le texte définitif, elle refuse cependant plusieurs mesures telles que le plafonnement des indemnités prud’homales. La CFDT quant à elle avait soutenu la loi El Khomri. Mais pour Laurent Berger, secrétaire général, les « verrous » à l’embauche que prétend lever l’exécutif sont « surtout dans la tête » des dirigeants patronaux : « À chaque fois, les responsables patronaux se sont livrés à une course à l’échalote pour demander davantage de souplesse et le chômage n’a pas baissé pour autant », souligne-t-il.

De son côté, la CGT entend bel et bien poursuivre le débat avec les salariés tout l’été, rassembler largement et mobiliser, et appelle à une grande journée d’action le 12 septembre.

Cet article est extrait de la NVO

Article publié le 31 juillet 2017.


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