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FICHE LECTURE : « L’art de ne rien dire », PAR La Direction
FICHE LECTURE : « L’art de ne rien dire », PAR La Direction
Il paraît que nous, Français, nous lisons moins, et moins de livres. C’est dommage ; car si comme disait l’autre, « Le vrai pouvoir, c’est la connaissance », nous nous privons ainsi d’armes magnifiques. Car les livres, à part leur invitation aux voyages, nous servent à comprendre le monde dans lequel on vit (au travers, par exemple, d’œuvres comme Le monde d’hier de Stefan Zweig). Les livres peuvent également être une source inépuisable de conseils et de méthodes pour vaincre nos faiblesses, voire pour « terrasser » nos ennemis, comme L’art de la guerre de Sun Tzu ou L’art d’avoir toujours raison de Schopenhauer. Haaa, L’art d’avoir toujours raison ! L’œuvre-culte des énarques ! Le livre de chevet de tous les « faiseurs d’opinion », de Jean-Michel Aphatie à Eric Zemmour ! La Bible de nos dirigeants, de nos directeurs, de nos cadres A+ !
L’art d’avoir toujours raison nous explique comment avoir systématiquement le dernier mot lors d’une conversation ou d’un débat en piégeant son interlocuteur, en le prenant de court ou en le poussant dans ses retranchements, tout cela en 38 stratagèmes savamment classés par méthodes plus ou moins malhonnêtes (cacher son jeu, fâcher l’adversaire, interrompre et détourner le débat, généraliser plutôt que de débattre de détails, etc.), méthode que l’on apprend par cœur et ressortir à l’occasion. Ce que notre Direction ne manque jamais de faire. Nous en avons encore eu la preuve lors du dernier CTL*.
Ainsi, pendant près de trois heures, face aux interrogations légitimes des syndicats, notre Direction a systématiquement répondu à côté, ayant l’air de sortir tour à tour les cartes « Stratagème 25 : Trouver une exception » quand on leur parlait de l’accueil secondaire ou « Stratagème 11 : Généraliser ce qui porte sur des cas précis » à l’évocation des postes vacants. Il s’agissait avant tout (et encore une fois) de jouer la montre, de biaiser, de se défiler, de ne promettre rien et de se dédouaner de tout, en louvoyant, en exagérant, voir en affabulant, bref tout, tout, tout plutôt que de parler vraiment des vrais problèmes, tout et n’importe quoi pouvant rendre le débat stérile, sans se rendre compte un seul instant que face aux inquiétudes grandissantes de leurs agents confrontés à une politique de terre brûlée, sortir des réponses toutes faites issues de fiches tirées d’un livre qui est dans le fond une méthode pathétique ; parce qu’en être réduit là, c’est faire preuve d’une absence totale de réelle défense. C’est montrer que dans le fond, on n’a vraiment rien à dire.
Le jour où nos dirigeants verront que nous ne sommes plus dupes de leurs ruses, le jour où nous démonteront leurs armes au fur et à mesure qu’ils les sortiront, le jour où les ficelles seront devenues irrémédiablement trop grosses, le jour où ça ne marchera définitivement plus, alors nos dirigeants se retrouveront nus, sans cachette possible, seuls face à leurs actes et aux conséquences de ceux-ci.
* : Le Comité Technique (Local) est une « instance de concertation chargée de donner son avis sur les questions et projets de textes relatifs à l’organisation et au fonctionnement des services ». (Source : fonction-publique.gouv.fr)
Billet de mauvaise humeur publiée dans le Mouton Noir n°9
Article publié le 1er juin 2018.